Prenez garde aux teneurs inadaptées des emprunts en infrastructure
Les projets d’infrastructure sont conçus pour durer. Par exemple, la plupart des types de centrales électriques ont une durée de vie de 20 à 30 ans et les centrales hydroélectriques peuvent fonctionner jusqu’à 100 ans. En outre, les coûts d’investissement de nombreux projets d’infrastructure sont considérables et nécessitent probablement l’appui d’un financement par emprunt.
Il se crée ainsi une nécessité, mais aussi la possibilité, d’étaler les reversements de tels emprunts sur une plus longue période, ce qui permet d’alléger la pression sur la capacité de remboursement du projet. Pourtant, dans de nombreux pays à faible revenu d’Afrique et d’Asie où les besoins en infrastructures sont les plus importants, nous remarquons un écart important entre la longue durée de vie des projets d’infrastructure et la teneur des financements qui leur sont disponibles, particulièrement ceux en monnaie locale.
Prenons l’exemple du projet Kekeli Efficient Power (Kekeli). Cette centrale électrique togolaise de 65 mégawatts (MW) et alimentée au gaz naturel cherchait à obtenir des facilités d’emprunt en monnaie locale pour une durée pouvant aller jusqu’à 14 ans. Les banques locales, pourtant, n’offraient que des prêts d’une durée maximale de 7 ans. Si Kekeli avait contracté cette dette sur 7 ans, le poids des reversements aurait été doublé pour une échéance de remboursement réduite de moitié. Même si cela avait été abordable, le projet n’aurait disposé que d’un tampon minimal pour absorber les éventuels retards de construction, les augmentations de fonds de roulement, les dépassements de coûts ou de dépenses, etc. avant de se trouver en sérieuses difficultés.
Actuellement, la majorité des écarts en matière de teneurs sont pris en charge par les institutions financières de développement (IFD). Mais la plupart des IFD ne fournissent des financements qu’en devises fortes. Cette inadéquation relative aux teneurs peut être résolue en introduisant une asymétrie de devises. Par conséquent, pour favoriser le développement des infrastructures dans les pays à faible revenu, il est essentiel de comprendre pourquoi les bailleurs de fonds locaux (tels que les banques) et les investisseurs du marché des capitaux (tels que les compagnies d’assurance et les régimes de retraite) hésitent à fournir des financements à long terme.
Qu’est-ce qui les retient ?
Tout d’abord, les projets d’infrastructure sont complexes. Ils impliquent la participation de nombreuses parties, notamment des commanditaires, des promoteurs, des entrepreneurs, des acheteurs, des régulateurs et bien d’autres encore. Une coordination minutieuse est nécessaire pour construire et exploiter un projet avec succès. La complexité se trouve également dans l’aspect juridique et technique du projet, qui nécessite une grande expertise pour évaluer les risques de manière approfondie au cas par cas. Si les bailleurs de fonds ne sont pas encore dissuadés, ils hésiteront toutefois à bloquer leur capital pendant une longue période et exigeront une importante prime de risque.
Deuxièmement, de nombreuses banques dans les pays à faible revenu dépendent fortement du financement de gros à court terme plutôt que du financement de détail qui offre des taux faibles d’épargne. Le financement de gros est plus « fragile » et peut se tarir du jour au lendemain si le marché devait traverser une période d’instabilité. Ainsi, pour gérer en interne les déséquilibres de leurs actifs et passifs ou pour se conformer aux exigences réglementaires (par les ratios de liquidité, etc.), les banques ne peuvent prêter qu’à relativement court terme.
Pour résoudre ces problèmes, la première étape et la plus importante serait d’engager un effort continu visant à renforcer les capacités des banques locales et des investisseurs sur les marchés de capitaux, tels que les gestionnaires de fonds d’assurance, les administrateurs de régimes de retraite et les régulateurs locaux. Les IFD, avec leur vaste expérience des projets et leurs divers programmes d’assistance technique, sont les mieux placées pour assumer ce rôle. Par exemple, avec le soutien de Private Infrastructure Development Group Technical Assistance, GuarantCo a organisé divers ateliers sur les capacités en Afrique et en Asie. Ces ateliers avaient pour but de faire découvrir aux délégués de banques et d’institutions financières locales les diverses façons d’approcher le financement de projets dans les différents secteurs de l’infrastructure, l’utilisation des instruments de rehaussement du crédit pour atténuer les risques des projets et les solutions de crédit de financement en monnaie locale. En outre, GuarantCo a mené une étude sur le marché obligataire au Bangladesh, lancée lors d’une conférence sur le financement des infrastructures du marché des capitaux local visant à promouvoir le marché obligataire du pays.
Une autre forme de renforcement des capacités est « l’apprentissage par la pratique ». Plutôt que de remplacer les bailleurs de fonds locaux, les IFD peuvent accompagner les banques, les compagnies d’assurance et les régimes de retraite locaux, et les guider dans des projets d’infrastructure de façon à garder les risques sous contrôle. Les IFD peuvent agir en tant qu’arrangeurs ou conseillers pour démontrer une évaluation des risques et une structuration appropriées d’une transaction d’infrastructure afin d’augmenter la confiance des bailleurs de fonds et de les convaincre de proposer des capitaux à plus longue teneur. Une autre solution pour les IFD serait de fournir des garanties comme celles offertes par GuarantCo. Elles seraient alors en mesure de prendre en charge certains risques auxquels font face les banques manquant encore d’expérience dans le domaine des infrastructures ou les investisseurs ayant un mandat de qualité, débloquant ainsi une nouvelle réserve de capitaux à long terme.
En ce qui concerne le défi posé par la gestion actif-passif des banques locales, la solution la plus fondamentale réside dans l’augmentation de leurs capacités en tant que banque de détail, mais aussi dans le renforcement des bilans des banques. Les banques locales verront ainsi une amélioration de leurs notations de crédit et par conséquent de leur capacité à accéder elles-mêmes à des financements à plus long terme. Toutefois, cela ne se réalisera pas du jour au lendemain. En attendant, une autre solution pourrait consister à utiliser une garantie sur les extensions de liquidités, comme dans le cas de la transaction du projet Kekeli mentionnée précédemment. GuarantCo fournit une garantie aux banques commerciales locales, qui a prolongé pour l’essentiel la durée du prêt de sept ans, en plus de la teneur initiale de sept ans également. Appuyées par cette garantie, les banques ont pu gérer leurs liquidités tout en accordant à Kekeli une facilité d’emprunt d’une durée totale de 14 ans, améliorant de ce fait la solidité financière du projet.
Le fait d’« ajouter » une garantie à la structure de financement ne signifie pas nécessairement un coût d’emprunt plus élevé pour le projet. Sans garantie de crédit ou de liquidités, certains prêteurs et investisseurs refuseront tout bonnement de s’engager, limitant ainsi la capacité des commanditaires à faire jouer la concurrence. Et parmi les prêteurs qui envisagent de s’impliquer, la plupart exigeront probablement une forte prime de risque pour compenser les risques élevés engendrés par le manque d’expertise dans la négociation et la structuration de projets d’infrastructure d’une telle complexité. La garantie fournie par un garant qui comprend le fonctionnement des projets d’infrastructure, qui entreprend un contrôle préalable approfondi et une structuration appropriée, et qui affiche de solides notations de crédit, comme GuarantCo (Fitch AA-, Moody’s A1), enverra un message positif fort au sujet du projet et pourrait potentiellement contribuer à un coût global moins élevé.